Au-delà des mégawatts : une nouvelle stratégie énergétique pour les centres de données

Avec l’essor de l’économie numérique, l’expansion des centres de données à très grande échelle se heurte aux limites des réseaux électriques locaux. Aux quatre coins du monde, de Dallas à Dubaï en passant par Dublin, la hausse rapide de la consommation d’énergie des centres de données pousse les services publics au maximum de leur capacité. Les promoteurs et exploitants se heurtent ainsi à des défis opérationnels et stratégiques majeurs dans leurs tentatives de satisfaire la demande d’infrastructures numériques.
La demande énergétique et la capacité des réseaux
Les centres de données comptent parmi les installations les plus énergivores au monde. On pourrait croire que le choix judicieux d’un emplacement à proximité d’une source d’énergie fiable et renouvelable permette de réduire les risques associés à l’insuffisance des infrastructures. Or, même les régions où ont été adoptées d’ambitieuses stratégies de production d’énergie renouvelable peinent à alimenter les centres de données à grande échelle lorsqu’ils sont nombreux à extraire leur électricité du réseau local.
Aux États-Unis, ainsi que dans certaines régions de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique (EMOA) et de l’Asie-Pacifique, cette pression systémique sur les marchés de l’électricité a terni l’image de notre secteur d’activité dans certaines parties de la médiasphère qui se tournent volontiers vers les médias sociaux pour pointer le problème du doigt, accentuant par le fait même la dépendance à l’égard des centres de données.
Les services publics traditionnels ont du mal à s’adapter à l’imprévisibilité et à la forte croissance de la demande des grandes grappes de centres de données, ce qui entraîne une pression localisée sur les réseaux, une augmentation du coût de l’électricité et, parfois, des retards dans la mise en service des installations. La question se pose donc : le secteur se tournera-t-il vers des modèles innovants de production d’électricité pour pallier l’incapacité des fournisseurs de services publics?
Le défi que pose le déséquilibre entre la demande des centres de données et la capacité des réseaux diffère d’une région à l’autre. Des stratégies communes font cependant leur apparition pour aider les membres du secteur à suivre le progrès.
1. Le choix judicieux de l’emplacement
Bien choisir l’emplacement des centres de données est essentiel. Comme Schneider Electric le souligne, les exploitants accordent de plus en plus d’importance à la disponibilité de l’énergie, notamment renouvelable, dans leurs décisions. En plus de l’accès à la fibre optique et du coût du terrain, ils évaluent la marge de manœuvre du réseau, les contraintes de transport et la proximité des sources d’électricité renouvelable.
- En Irlande, par exemple, le réseau est déjà très sollicité, ce qui oblige les organismes de réglementation à suspendre ou à restreindre les nouveaux raccordements de centres de données dans certains secteurs, d’où le risque de regrouper les installations là où la capacité est limitée.
- À l’inverse, les régions où la production est excédentaire, comme les États américains où le développement de l’énergie solaire et éolienne est important, offrent la possibilité d’accorder la demande des centres de données aux ressources énergétiques renouvelables sous-utilisées.
- Schneider Electric affirme en outre que la modélisation prédictive des marchés de l’électricité peut réduire le risque de perte d’investissements en garantissant que les installations soient implantées dans des corridors de croissance énergétique à long terme.
2. La production et le stockage sur place
Autrefois perçus comme simplement « commodes », la production et le stockage de l’électricité sur place deviennent rapidement des conditions « essentielles ».
- Aux États-Unis, la forte croissance de la demande des centres de données met déjà en péril la fiabilité des réseaux. Les exploitants réagissent en investissant dans des systèmes de stockage d’énergie par batterie de grande envergure pour atténuer les pics de demande et réduire la dépendance aux réseaux surchargés.
- La production combinée de chaleur et d’électricité et l’intégration des sources d’énergie renouvelables gagnent également en popularité. En Irlande, la croissance de l’énergie renouvelable (éolienne et solaire) ouvre la voie aux modèles d’approvisionnement direct et de colocalisation, même si le réseau de transport est à la traîne.
- Aux quatre coins du monde, des moyens d’éliminer le diesel tout en augmentant la résilience sont mis à l’essai dans le cadre de projets pilotes utilisant des piles à hydrogène comme source d’énergie d’appoint. Cette approche hybride permet aux centres de données de continuer à se développer même si les services publics ne peuvent pas augmenter leur capacité au même rythme.
3. La collaboration avec les services publics
Le changement le plus important réside peut-être dans la façon dont les centres de données collaborent avec les services publics et les décideurs.
- En Irlande, les organismes de réglementation et les exploitants de réseaux ont déjà resserré les règles d’approbation des nouvelles constructions, ce qui oblige les promoteurs à se conformer davantage aux stratégies énergétiques nationales. D’exercice facultatif, la collaboration s’est ainsi transformée en condition nécessaire.
- Aux États-Unis, la planification coordonnée entre les exploitants de centres de données à grande échelle et les services publics est essentielle parce que la demande accrue en gigawatts se matérialise souvent plus rapidement que les nouvelles installations de transport d’énergie.
- Schneider Electric met aussi l’accent sur l’importance d’adopter un modèle de conception souple permettant de moduler la pression exercée sur le réseau – par exemple, de planifier les tâches informatiques non essentielles à l’extérieur des périodes de pointe ou de soutenir la stabilité du réseau pendant les pics de demande. Ce type de collaboration réduit les risques de panne d’électricité et renforce la confiance des organismes de réglementation.
- Dans certains marchés, les exploitants de centres de données à grande échelle co-investissent dans des postes électriques et des projets d’énergie renouvelable pour accélérer l’augmentation de la capacité et garantir la fiabilité à long terme tout en soutenant la résilience générale du réseau.
Les conséquences pour les chefs de file du secteur
Fondamentalement, les contraintes énergétiques ne sont plus uniquement des problèmes de conception d’arrière-plan, mais des obstacles à l’approbation. L’accessibilité, le coût et la fiabilité de l’énergie déterminent désormais directement la viabilité des projets d’expansion, la compétitivité des propositions et la relation de confiance établie avec les exploitants des centres de données à grande échelle.
Viabilité de l’emplacement et rapidité de mise en œuvre : Dans les marchés comme l’Irlande, qui limite le raccordement de nouveaux centres de données, les projets risquent d’être reportés ou carrément annulés si l’approvisionnement en électricité n’est pas pris en compte tôt dans le processus. Les entreprises d’envergure mondiale comme BGO DataCenters doivent donc discuter des contraintes liées au réseau avec leurs clients dès le début. Un emplacement où l’apport en électricité n’est pas garanti ne peut plus être considéré comme « évolutif », qu’importe l’accès à la fibre optique ou le prix du terrain.
Coût d’exploitation et exposition au risque : L’augmentation de la demande énergétique combinée à une offre limitée entraîne souvent une hausse du prix de gros de l’électricité, comme on l’a vu dans les marchés américains, ce qui influe directement sur la marge d’exploitation et le coût total de possession à long terme. Les dirigeants doivent réfléchir à la manière dont le choix judicieux de l’emplacement des centres de données et les stratégies d’approvisionnement en énergie renouvelable peuvent protéger leurs clients de la volatilité des marchés de l’énergie.
Évolutivité et confiance des clients : Les exploitants de centres de données à grande échelle exigent une croissance graduelle et un accès prévisible à l’énergie. Sans certitude quant à l’approvisionnement en électricité à long terme, ils risquent de perdre leur crédibilité et de voir leur réserve de projets s’envoler. Les entreprises qui peuvent garantir des voies d’accès à l’énergie, grâce à la collaboration avec les services publics, aux solutions sur place ou au co-investissement stratégique, concluront des partenariats solides et durables.
Réputation et prise en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) : La disponibilité de l’énergie est aussi un enjeu ESG. L’énergie renouvelable gagne en popularité auprès des clients. Toutefois, la capacité d’accéder à une source d’énergie propre et fiable n’est plus le seul élément à démontrer; la durabilité et la conformité entrent aussi en ligne de compte.
De la réactivité à la proactivité : Auparavant, les services publics déterminaient la disponibilité de l’énergie, et les promoteurs s’adaptaient. Aujourd’hui, les chefs de file du secteur doivent cocréer des solutions sur le plan énergétique – en anticipant les goulots d’étranglement, en influençant les cadres réglementaires et en explorant les modèles non traditionnels comme les microréseaux, les projets pilotes de piles à hydrogène ou le cofinancement des améliorations du réseau de transport d’électricité.
Ce que l’avenir nous réserve
L’incompatibilité entre la demande énergétique des centres de données à grande échelle et la capacité limitée des réseaux locaux marque un tournant dans le secteur d’activité. L’énergie n’est plus une considération secondaire, mais un facteur qui détermine où et comment la croissance se produit.
Les entreprises qui intègrent la stratégie énergétique dans leurs plans d’expansion en choisissant intelligemment l’emplacement de leurs centres de données, en investissant dans la production d’électricité sur place et en collaborant étroitement avec les services publics, les autorités locales et les clients réduiront non seulement les risques auxquels elles s’exposent, mais augmenteront aussi leur avantage concurrentiel.
L’avenir récompensera ceux qui considèrent l’énergie non pas comme une contrainte, mais comme une occasion d’innover, de se démarquer et de guider le secteur vers la résilience et la durabilité.